Taxonomie et la GTI

l’Initiative Taxonomique Mondiale (GTI) est cruciale à la mise en place des programmes thématiques de la Convention sur la Diversité Biologique (CDB) des Nations Unies et à la réussite de ses objectifs.

La GTI a été établie sous la CDB en 1998 afin d’aider à résoudre le dit « obstacle taxonomique, » i.e., le manque d’expertise et d’infrastructure taxonomiques, ainsi que l’accès limité aux collections d’histoire naturelle et  informations taxonomiques dans une grande partie du monde. Dans ce contexte, la GTI cherche à permettre aux Parties de mieux comprendre, gérer et protéger leur propre biodiversité.

Qu'est-ce que la taxonomie ?

La taxonomie est la science de la dénomination, de la description et de la classification des
organismes, elle couvre l’ensemble des plantes, des animaux et des microorganismes. À partir
d’observations morphologiques, comportementales, génétiques et biochimiques, les taxonomistes
identifient, décrivent et classent les espèces, y compris celles qui sont nouvelles
pour la science.

A travers ce processus, les taxonomistes ont gagné une connaissances profonde considérable des éléments passés et présents de la diversité biologique.

Malheureusement, les connaissances taxonomiques sont loin d’être exhaustives. Au cours des 250
dernières années de recherche, les taxonomistes ont attribué un nom à environ 1,8 million
d’espèces (dont plus de la moitié sont des insectes), cependant, le nombre total d’espèces est inconnu mais des estimations récentes le situe entre 5 (± 3) et 11 millions d’ eucaryotes (microorganismes incorporés avec une incertitude assez élevée; Chapman, 2009; Mora et al., 2011; Costello et al., 2013). En ce qui concerne les bactéries, les archaea, et les fungi microscopiques, Locey and Lennon (2016) ont prédit que la Terre pourrait abriter jusqu’à 1 trillion d’espèces micro-bactériennes.

Qu'est-ce que la GTI et comment a-t-elle été établie?

L’Initiative Taxonomique Mondiale (GTI) est un enjeu transversal de la Convention sur la  Diversité Biologique (CDB) des Nations Unies, qui, étant donné l’importance d’avoir des informations taxonomiques précises pour chaque type d’écosystème, soutient la mise en œuvre des sept programmes thématiques de la Convention.

La GTI consiste en un ensemble d’activités et d’objectifs sur lesquels les gouvernements se sont mis d’accord et qui sont appuyés par de nombreux acteurs différents, dont notamment des gouvernements, des taxonomistes, des organisations non-gouvernementales et internationales. Ces activités ont pour objectif de mettre en lumière les problèmes, de faciliter l’échange d’information, et de promouvoir la coopération technique afin de faire avancer la taxonomie à l’échelle mondiale.

La GTI a été établie en 1998 par la Conférence des Parties (COP) lors de sa quatrième réunion (Décision IV/1). Par la suite, malgré la Décision V/9, la GTI Coordination Mechanism a été créée comme un groupe conseiller informel ayant pour but d’assister le Secrétariat Exécutif de la Convention dans la facilitation de la coopération internationale et la coordination des activités sous la GTI, ainsi que dans l’utilisation de l’Initiative comme un forum pour promouvoir l’importance de la taxonomie et des outils taxonomiques dans la mise en œuvre de la CDB.

Ensuite, lors de sa sixième réunion en 2002, la COP a fait la promotion du  Programme de Travail  pour la GTI (PoT; Décision VI/8), qui a été complété en 2006 après une relecture en profondeur (COP‑8, Décision VIII/3). A la suite de la Décision VIII/3, des produits livrables axés sur les résultats ont été déterminés pour chacune des activités planifiées par le PoT de la GTI. Ceux-ci ont été soutenus par la COP (Décision IX/22).  La Décision IX/22 peut assurément être considérée comme une étape importante pour la GTI en ce qu’elle fait écho à l’appel, plus important que jamais, à un travail taxonomique effectif. Plus précisément, des cibles concrètes et datées pour les résultats taxonomiques ont été déterminées et des acteurs pertinents pour les atteindre ont été suggérés.

Pourquoi la GTI ?

La Convention sur la Diversité Biologique (CDB) a trois objectifs principaux:

  1. La conservation de la diversité biologique;
  2. L’usage durable des élément de la diversité biologique;
  3. Le partage juste et équitable des avantages ressortissant de l’utilisation des ressources génétiques.


Dès 1998, il est devenu clair que la taxonomie est essentielle à presque tout le travail de la CDB; elle joue un rôle vital dans le soutien de cet objectif triple.

Sans la taxonomie, la mise en œuvre réussie de Convention aux niveaux local, national, régional et mondial ne peut être garantie.
Comment pouvons nous conserver adéquatement la biodiversité si nous ne connaissons pas les organismes qui la composent? Comment pouvons nous faire un usage durable des composants de la biodiversité si nous ne savons pas de manière non-ambiguë quels sont ces composants? Comment pouvons nous partager justement et équitablement les bénéfices dérivés des ressources génétiques si nous ne sommes pas capables de caractériser/différencier les différents porteurs de ces ressources?

En conclusion, si les Parties de la Convention ne savent pas quelles espèces vivent au sein de leurs frontières, cela peut entraver leur capacité à prendre des décisions éclairées quant à la conservation et l’usage durable de la biodiversité.

Bien que beaucoup d’importance soit accordée aux noms et descriptions d’espèces, à la dénomination des composants de la biodiversité et au développement d’outils taxonomiques tels que des clef d’identification et des bases de données, ceux-ci sont loin d’être les seuls aspects de la taxonomie importants pour la mise en œuvre de la CDB. Parmi les atouts les plus précieux de l’étude taxonomique des organismes vivants, figure la compréhension acquise qui garantit:

  • Le développement d’une base scientifique pour le contrôle de la biodiversité, la conservation et la gestion (i.e., basées sur des données taxonomiques concernant des espèces menacées, des espèces qui caractérisent les écosystèmes, des espèces indicatrices qui sont hautement sensibles aux changements des conditions (a)biotiques de l’environnement, etc.);
  • l’établissement de la sécurité alimentaire et de moyens de subsistance durables, à la fois vus depuis une perspective directe (i.e., espèces (sauvages) utilisées dans l’agriculture, l’horticulture, la gestion forestière et de la pêche pour la production de nourriture, de fourrage, de fibres, de bois, etc.) ou depuis une  perspective indirecte (i.e., pollinisateurs et biota qui augmentent la productivité des plantes versus les nuisibles/les pathogènes/les vecteurs de maladies qui affectent négativement la santé des plantes);
  • L’exécution de mesures de quarantaine (i.e., régulation de la quarantaine des nuisibles de plantes) et le contrôle d’espèces étrangères invasives qui pourraient menacer la biodiversité autochtone, i.e., les écosystèmes et habitats natifs, et les espèces;
  • La restriction du commerce illégal des espèces menacées de la faune et la flore sauvages;
  • L’identification et le contrôle des vecteurs de maladies humaines;
  • La gestion des coûts et bénéfices associés à la biotechnologie.

Malheureusement, dans une grande partie du monde, il y a toujours un sérieux manque d’expertise et d’infrastructure taxonomiques, et seulement un accès limité aux collections d’histoire naturelle et à l’information taxonomique (incluant la littérature taxonomique, des guides pratiques, l’identification des espèces clefs, des bases de données, etc.).

Ce problème, reconnu par la Conférence des Parties (COP) comme l’obstacle taxonomique , fait qu’il est presque impossible pour beaucoup de Parties de s’impliquer dans les domaines dépendants de la taxonomie mentionnés précédemment, et de rencontrer les objectifs définis par la CDB.

La situation est particulièrement grave dans lesdits « pays méga divers », dont la plupart sont des pays en voie de développement situés dans les zones tropicale et subtropicale.

Par conséquent, afin de résoudre cet obstacle taxonomique et de permettre à toutes les Parties de mieux comprendre, gérer et sauvegarder leur propre biodiversité, la GTI a été établie par la Convention in 1998.

Comment la GTI fonctionne-t-elle?

La nature double de la GTI

La GTI a une nature double, qui comprend à la fois la mise en œuvre de politiques et la mise en œuvre concrète.

L'élément politique concerne le cadre international à travers lequel les Parties de la CDB identifient les actions prioritaires et développent des politiques, aboutissant à l'adoption d'une Décision particulière la Conférence des Parties (COP). En plus de la COP, l'aspect politique implique également les organes qui alimentent la COP, dont le Mécanisme de Coordination de la GTI, le Forum de la GTI, le réseau  des  Points Focaux Nationaux de la GTI, et l'Organe Subsidiaire chargé de fournir des avis Scientifiques, Techniques et Technologiques (OSASTT). L'assistance dans la gestion des processus et dans le rassemblement des expertises et informations est fournie par le Secrétariat de la Convention (SCDB), qui possède un directeur de Programme pour la GTI.

L'autre aspect de la double nature de la GTI est celui de la mise en œuvre, qui cherche à enlever “l'obstacle taxonomique”. La mise en œuvre se déroule principalement lorsque les Parties – en particulier les gouvernements nationaux– mettent en pratique les décisions de la COP, i.e., développent des politiques, des stratégies et des activités, implémentent nationalement et/ou localement ce qui a été décidé au niveau international. En outre, les décisions de la COP identifient souvent des instituts taxonomiques, des initiatives,  des organisations (non-gouvernementale), des consortia ou des secteurs qui, selon la COP, devraient jouer un rôle clef dans la mise en œuvre de la GTI car cela fait partie de leur compétence (voir par exemple cette liste). A noter que le succès de la GTI ne dépend pas seulement des gouvernements et des partenaires mentionnés; les taxonomistes, les conservateurs, les agences de financement, etc. jouent également un rôle essentiel.

Programme de Travail (PoT)

Au cours des années, plusieurs politiques ou Décisions de la COP d'entreprendre des activités de GTI ont été adoptées par les Parties et d'autres acteurs pertinents.

L'ensemble principal d'activités, représentant la base de la GTI, est défini dans le Programme de Travail (PoT), qui a été appuyé par la sixième COP (COP‑6, Décision VI/8) et ensuite complété par les COP‑8 (Décision VIII/3) et COP‑9 (Décision IX/22). Les activités et cibles du PoT sont centrés autour de cinq Objectifs Opérationnels, que sont:

  1. Objectif opérationnel 1 - Evaluer les besoins et capacités taxonomiques aux niveaux national, régional and global pour la mise œuvre de la Convention.
  2.  Objectif opérationnel 2 - Fournir un foyer permettant de construire et de maintenir les ressources humaines, les systèmes et l' infrastructure nécessaires pour obtenir, rassembler et conserver les spécimens biologiques qui sont à la base du savoir taxonomique.
  3. Objectif Opérationnel 3 - Faciliter une infrastructure/un système amélioré et effectif pour l'accès à l'information taxonomique; avec comme priorité l'assurance que les pays d'origines obtiennent l'accès aux informations concernant les éléments de leur biodiversité.
  4. Objectif opérationnel 4 - Au sein du programme de travail thématique principal de la  Convention, inclure des objectifs taxonomiques clefs à la génération d'informations nécessaires dans la prise de décision quant à la conservation et l'usage durable de la diversité biologique et de ses composants.
  5. Objectif Opérationnel 5 - Au sein du travail concernant des problèmes transversaux de la Convention, inclure des objectifs taxonomiques clefs à la génération d'informations nécessaires dans la prise de décision quant à la conservation et l'usage durable de la diversité biologique et de ses composants.

GTI stratégies de renforcement des capacités

A la suite des Décisions supérieures, des tentatives ont été entreprises afin d'opérationnaliser la GTI de manière plus approfondie , i.e., rendre les (méta)données taxonomiques et autres nécessaires ainsi que les collections plus facilement accessibles, renforcer et développer les capacités taxonomiques aux niveaux national, (sub)régional et mondial (e.g., en ce qui concerne l'usage des techniques moléculaires), afin d'améliorer le savoir dans de nombreux domaines relevant de la taxonomie pour mieux répondre aux besoins, et encourager la collaboration parmi les organisations partenaires et les réseaux existants, entre autres (e.g., Décision X/39).

Plus concrètement, en 2012, après l'adoption du Plan Stratégique 2011-2010 pour la Biodiversité et ses cibles Aichi pour la Biodiversité (COP‑10, Décision X/2), la COP‑11 a accueilli la Stratégie de renforcement des capacités pour la GTI, qui a été élaborée atour de 5 Objectifs et de 10 Actions Stratégiques – liés aux activités du PoT de la GTI – devant être menés sur la période 2011-2020 (Décision XI/29). Le but de cette Stratégie était de:

“développer les ressources humaines et l'infrastructure nécessaires à la création, à la diffusion et à l'usage du savoir et de l'information taxonomiques de façon à assister les Parties, autres Gouvernements, organisations et acteurs dans la mise en œuvre effective de la Convention ainsi que du Plan Stratégique 2011-2020 pour la Biodiversité et l'atteinte des cibles pour la biodiversité d'Aichi”.

La stratégie de renforcement des capacités de la GTI était aussi destinée à l'encouragement de l'action nationale, dans l'optique de mieux intégrer, de manière appropriée et dans le meilleur des délais, l'information taxonomique et les besoins dans les Stratégies et Plans d'Action Nationaux pour la Biodiversité (SPANB), mis à jour, de chaque Partie.

Par la suite, en 2016, la COP‑13 a adopté Le Plan d'Action à court terme (2017-2020) afin d'améliorer et de soutenir le Renforcement des Capacités pour la mise en œuvre de la Convention et de ses Protocoles (Décision XIII/23), qui inclut l'organisation de “formations de formateurs” sur l'application de la technologie moléculaire dans l'identification d'espèces.

Enfin, le Forum GTI de 2018 et 2020 a pris en considération l'état des avancées en taxonomie et dans les domaines liés, et a passé en revue les pratiques/objectifs passés et présents de la GTI afin de fournir des inputs aux processus (in)formels qui amenèrent au développement du Cadre de la Biodiversité Mondiale post-2020 (CBM).

Sont parmi les résultats directes du Forum 2020:

  • La déclaration commune de tous les participants, qui est “un appel à l'action de reconnaitre le rôle crucial de la taxonomie dans le soutien d'un changement significatif au sein du CBM post-2020”;
  • La publication, en tant que série technique 96 de la CDB, d'un document technique exhaustif comprenant les discussions tenues durant le Forum sur les activités et innovations pertinentes pour le renforcement de la coopération technique et scientifique en soutien au CBM post-2020.